SÉCURITÉ EN IRM : Risques liés à l’utilisation d’un produit de Contraste et les effets secondaires possibles du Gadolinium
Cet article fait partie de notre série sur la Sécurité en IRM à destination des manipulateurs (-trices) en électroradiologie médicale. Nous allons, nous concentrer dans cet article sur l’utilisation des produits de contrastes gadolinés en IRM (effets secondaires du Gadolinium, prévention des risques, etc.).
Introduction
En IRM, un examen sur trois nécessite l’injection d’un produit de contraste à base de Gadolinium. Le plus souvent, il se présente sous la forme d’une injection intraveineuse (IV) d’un agent pharmaceutique paramagnétique qui raccourcit le temps de relaxation longitudinale (T1) et, dans une moindre mesure, celui de la relaxation transversale (T2) des protons de l’eau des tissus.
Chez les patients à fonction rénale normale, la demi-vie plasmatique est d’environ 90 minutes. L’élimination se fait par filtration glomérulaire sous forme inchangée. Ces dernières années, on s’est rendu compte que les patients souffrant d’insuffisance rénale sont à risque de développer une affection appelée Fibrose systémique néphrogénique (FSN).
Le produit de contraste étant administré par injection intraveineuse, une attention particulière doit être portée sur les risques associés à ce type d’administration, tels que l’extravasation, la phlébite et l’infection. De plus, certains patients peuvent développer une hypersensibilité ou une réaction allergique à l’un des constituants de ces produits de contraste.
Ces risques peuvent être source d’anxiété tant pour le patient que pour le (la) manipulateur (-trice) en IRM. Et même si ces risques sont faibles, il est crucial pour le (la) manipulateur (-trice) en IRM de pouvoir identifier ces risques et les étapes à suivre.
Nous savons tous que les injections de produits de contraste, comme tout médicament, ne sont ni sans risques ni sans effets indésirables.
Dans cet article, nous détaillerons trois des effets secondaires les plus couramment rencontrés: l’extravasation du produit de contraste, les réactions d’hypersensibilité et la FSN ou fibrose systémique néphrogénique.
Extravasation
L’extravasation est définie comme une injection ou une fuite accidentelle inappropriée et non intentionnelle de médicaments dans les espaces péri-vasculaires ou sous-cutanés plutôt que dans le compartiment vasculaire cible. Selon le CIRTACI (Comité Interdisciplinaire de Recherche et de Travail sur les Agents de Contraste en Imagerie), elles représentent entre 0,04 à 0,9 % des injections intraveineuses de produit de contraste.
Elles sont notamment plus fréquentes lors de l’utilisation d’injecteurs automatiques. Le risque d’extravasation est d’autant plus important chez les patients avec un capital veineux fragilisé.
La plupart du temps, les extravasations ne posent pas beaucoup de problèmes. Le (la) manipulateur (-trice) , lors de l’injection, arrête immédiatement l’injection dès que le patient ressent des symptômes d’extravasation. Ces symptômes comprennent un gonflement, une douleur et une rougeur au point d’injection. Ces extravasations peuvent être traitées efficacement par le suivi des mesures détaillées par le CIRTACI.
Dans de très rares cas, des complications plus sévères surviennent, telles que des phlyctènes sur la peau, une desquamation de la peau, un oedème local et des cicatrices nécessitant une fasciectomie ou une greffe de peau. Bien tolérée en général, une extravasation peut être source de douleurs, voire de séquelles, et perturber le bon déroulement de l’examen voire entraîner son annulation. Les patients doivent être informés du risque de survenue de ces complications (bien qu’elles soient rares) liées à l’injection de Gadolinium pour la bonne réalisation de son examen.
Que faire en cas d’extravasation?
Si une extravasation de produit de contraste est décelée, arrêtez immédiatement l’injection. Suivant les recommandations du CIRTACI, l’étape suivante consiste à déterminer la quantité de contraste extravasée.
Si possible, tenter l’aspiration du produit extravasé (rarement possible) par le cathéter d’abord laissé en place, puis, après l’avoir enlevé, par pression cutanée. Le membre concerné doit être surélevé pendant les trois heures suivantes, en cas de gravité potentielle. Une hypothermie locale est également conseillée par application de glace (pendant au moins 20 minutes ; puis toutes les heures pendant 6 heures) sans contact direct entre la glace et le membre (afin d’éviter le risque de brûlure, envelopper la glace dans un linge).
Assurez-vous d’expliquer au patient ce qui s’est passé et de lui fournir des instructions de soins pour limiter les conséquences de cette extravasation. Cette complication doit être documentée dans le dossier du patient (avec notamment la quantité de produit de contraste extravasée, les mesures prises immédiatement et les mesures à suivre) et signalée au médecin prescripteur.
Une surveillance de 24h peut être recommandée (et est obligatoire en cas de complications graves) afin de rechercher des signes de mauvaise tolérance par la réalisation d’examens cliniques, vasculaires et neurologiques.
La plupart des extravasations concernent de petites quantités de produit de contraste, puisqu’en IRM ce sont de faibles volumes qui sont injectés (de 0,1 à 0,3 mL /kg). En raison de ce faible volume d’extravasation et de la charge osmotique limitée, le produit de contraste extravasé se résorbe facilement.
Réactions / réponses d’hypersensibilité
Les hypersensibilités sont divisées en deux classifications: l’hypersensibilité allergique et l’hypersensibilité non allergique. La différence la plus fondamentale est la suivante: l’hypersensibilité allergique implique que les histamines soient produites par le corps et ce n’est pas le cas pour l’hypersensibilité non allergique.
Les réactions allergiques peuvent survenir immédiatement dans un délai inférieur à une heure (réaction grave) ou jusqu’à 7 jours plus tard.
Les réponses non allergiques sont le résultat des effets toxico-pharmacologiques et peuvent également survenir immédiatement ou plus tard. Ces différentes réactions d’hypersensibilité sont décrites suivant le système organique affecté.
Dans le tableau ci-dessous, on retrouve les différents systèmes organiques qui peuvent être éventuellement affectés par les injections de produits de contraste en IRM. Notez que ce tableau comprend à la fois les symptômes allergiques et les symptômes non allergiques.
System d’organes | Symptômes |
Général | Céphalées, douleurs thoraciques, fièvre, fatigue, bouffées de chaleur, érythèmes, faiblesse, larmoiement, AEG |
Cardiovasculaire | Hypotension, hypertension, vasodilatation, Modifications de l’ECG, douleur thoracique, phlébite, bradycardie, tachycardie et rythme nodal atrioventriculaire |
Gastrointestinal | Nausées, vomissements, stress ou douleur gastro-intestinale, salivation accrue, diarrhée, démangeaisons ou œdème de la langue, Xérostomie |
Neurologique | Comprennent céphalées, paresthésies, tremblements, ataxie, étourdissements, acouphènes, convulsions et syncope |
Respiratoire | Irritation de la gorge, dyspnée, respiration sifflante, toux |
Dermatologique | Éruption cutanée, démangeaisons, urticaire, érythème, transpiration, gonflement et picotements |
Anaphylactoïde | Urticaire, démangeaisons, gonflement des voies respiratoires et état de choc anaphylactique |
Les symptômes les plus courants d’hypersensibilités sont:
Urticaire
L’urticaire est une éruption cutanée qui se caractérise par des démangeaisons et l’apparition de papules (plaques rouges en relief), qui ressemblent aux piqûres d’orties (le mot urticaire vient d’ailleurs du latin urtica, qui signifie ortie).
S’il est limité à la peau, il est plus gênant et inconfortable que dangereux, mais il devient plus dangereux lorsqu’il s’étend aux yeux, à la bouche et au larynx. Il est important de s’inquiéter si le patient exprime une sensation de démangeaison dans la bouche et/ou dans la gorge.
Il est à noter que les patients peuvent ne pas présenter de symptômes sur la peau, en effet, l’urticaire peut se produire à la surface des tissus muqueux de la bouche et de la gorge sans être visible sur la peau.
Œdème de Quincke
L’œdème de Quincke ou angiœdème est classé comme œdème angioneurotique. Il s’agit d’une réaction immédiate, quelques minutes après la prise d’un médicament. Elle se traduit par un gonflement rapide de la peau et des muqueuses au niveau de la tête et du cou, pouvant provoquer une asphyxie due à une obstruction des voies respiratoires.
S’il s’accompagne de difficultés respiratoires, malaises ou symptômes digestifs, il doit être pris en charge en urgence. Le traitement en urgence consiste en une prescription d’adrénaline et de corticostéroïdes.
En plus d’être violent, c’est une réaction très impressionnante car certaines parties du visage (paupières, gorge, joues et / ou lèvres) peuvent commencer à gonfler rapidement. Les plaintes de gonflement du visage, de la langue, des lèvres ou des yeux doivent être prises très au sérieux.
- Arrêtez immédiatement l’injection
- Évaluez la gravité et surveillez le patient
- Alertez le radiologue
- Contactez les urgences si nécessaire
- En référer au service du patient et/ou son médecin
S’il s’agit d’une véritable réaction allergique, les patients doivent être avertis et informés sur les symptômes qu’ils présentaient et des médicaments administrés, afin qu’ils puissent en informer le personnel de cette réaction lors de prochains examens.
Fibrose systémique néphrogénique (FSN)
La fibrose systémique néphrogénique (FSN) survient chez les patients souffrant d’insuffisance rénale. Lorsque le produit de contraste à base de gadolinium reste dans la circulation sanguine plus longtemps que recommandé, il commence à se déposer dans le derme et les articulations. Les symptômes de la FSN se présentent sous la forme de plaques ou de papules indurées et brunâtres avec un aspect en peau d’orange. Un prurit, des sensations de douleurs et de brûlures de la peau sont également fréquemment observés. Ces lésions cutanées peuvent induire un trouble de l’extension des articulations et rendre le patient impotent.
Par ailleurs, des lésions systémiques peuvent être observées avec des atteintes d’organes tels le cœur ou le poumon qui peuvent entraîner le décès du patient. Des polyneuropathies sensitivomotrices ont également été décrites. Le premier cas de NSF a été documenté en 1997, et un lien a été rapidement établi avec des injections de contraste intraveineux en IRM et des problèmes d’insuffisance rénale. Ce trouble peut être très grave s’il affecte les muscles des poumons, le diaphragme et le cœur.
- Suivre les recommandations du fabricant en ce qui concerne les doses de produit de contraste
- Envisager un autre examen
- Alerter le radiologue qui discutera des risques et des avantages de l’injection du produit de contraste avec le médecin prescripteur et le patient (rapport bénéfice/risque)
Autres aspects relatifs aux risques associés aux injections de gadolinium en IRM
- Le premier est la relation entre de multiples examens IRM injectés ou le couplage d’examens IRM avec des examens scannographique avec injections de produits de contraste iodé par exemple. Comme on le sait, le produit de contraste iodé peut avoir un effet néphrotoxique, réduisant l’efficacité de la filtration glomérulaire. Pour cette raison, il est conseillé de réaliser les examens IRM avec injection de Gadolinium AVANT les autres examens nécessitant une injection de produit de contraste iodé. Et si un patient doit subir deux examens IRM, nécessitant tous les deux l’injection de gadolinium, il est conseillé de respecter un minimum de 48 heures entre les deux examens.
- La seconde est qu’il existe un risque de rétention du Gadolinium dans le tissu cérébral. Cela est encore en cours de recherche afin de mieux comprendre ce phénomène. Peut-être pourrons-nous en savoir plus dans quelques années. Néanmoins, depuis janvier 2018, certains produits de contrastes (MAGNEVIST et OMNISCAN) ont vu leur autorisation de mise sur le marché (AMM) suspendues en raison de la dé-complexification possible du Gadolinium. Le 3ème produit de contraste de forme linéaire, le MULTIHANCE, a quant à lui vu ses indications limitées à l’imagerie du foie.
(plus d’infos: www.vidal.fr/actualites/22538-magnevist-et-omniscan-suspension-des-amm-et-rappel-de-tous-les-lots.html)
Il s’agit pour le moment, que de mesures de précaution, puisque cette rétention de gadolinium dans le tissu cérébral n’a pour l’heure pas encore montrer de nocivité ni de risques sur le long terme.
Conclusion
Bien que très rares, les effets indésirables secondaires à l’administration de Gadolinium peuvent être très graves. Les manipulateurs (-trices) en IRM sont sensibilisés à ces risques et les maîtrisent afin de les maintenir au plus faible possible afin d’assurer la sécurité des patients durant leurs examens.
La communication avec les patients est tout aussi essentielle. Ces dernières années, les préoccupations des patients concernant les risques liés aux agents de contraste IRM ont augmenté, en grande partie en raison des groupes d’échanges créés par les patients sur les médias sociaux et d’une action en justice très médiatisée déposée en 2017 par Chuck Norris contre un fournisseur de produits de contraste IRM à la suite d’effets secondaires subis par sa femme Gena.
Il est important de permettre aux patients d’exprimer leurs inquiétudes et interrogations. Nous devons les aider à comprendre que les données scientifiques à ce jour montrent que les effets secondaires sont extrêmement rares et que, correctement administré, l’injection de produits de contraste gadoliné est sûre. Cela peut aider à rassurer les patients et à améliorer leur coopération pour l’examen.
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