Produits de contraste iodés au scanner
Du nouveau dans les services d’imagerie !
2024 est le théâtre d’un grand bouleversement pour l’imagerie médicale française : depuis le 1er mars dernier, les forfaits techniques qui génèrent le remboursement des actes d’imagerie, intègrent dans leurs calculs le coût des produits de contraste iodés. Leurs montants sont de fait revalorisés, tout du moins n’ont-ils pas été abaissés. En contrepartie, il est dorénavant à la charge des centres d’imagerie et donc des radiologues de fournir les produits de contraste et donc les produits de contraste scanner. Face à cette nouvelle réalité économique à appréhender, une autre émerge de façon concomitante : l’injection multidoses/multi patients. La France était jusqu’alors, comme le Japon, une exception dans le marché mondial, puisqu’elle faisait partie des très rares pays à ne pas autoriser l’injection « multi patients ». Les conditionnements dits « mono dose » dominaient de fait tout le territoire.
Une réorganisation nécessaire
- S’il avait été prévu un délai d’un an pour cette adaptation, depuis quelques mois, c’est donc le branle-bas de combat pour les industriels d’une part, et aussi au sein des structures d’imagerie privée notamment. En effet, il s’agit pour les différents partis de réorganiser l’ensemble des circuits d’approvisionnement et de distribution. S’il ne s’agit que de quelques ajustements administratifs pour les services d’imagerie hospitaliers, on parle d’une réorganisation complète pour les cabinets et cliniques privés où exercent exclusivement des radiologues libéraux et où la question du stockage, notamment, n’était pas une priorité. A noter que la FNMR (Fédération nationale des médecins radiologues), à l’initiative de l’accord conclu avec la sécurité sociale, s’organise d’ores et déjà et la création de la plate-forme d’achat Privalence avec le concours de l’entreprise Solution contraste vise à simplifier ces achats et protéger les intérêts des radiologues.
- Pour les industriels des produits de contraste iodés, c’est aussi un nouveau défi à relever : adapter le parc d’injecteurs à ces nouveaux usages, former les utilisateurs et revoir les circuits de distribution. Le passage à l’injection multi-patient nécessitera sans doute d’importantes remises en question sur le terrain. Se joue très certainement aussi, une redistribution substantielle des parts de marché. Les principaux acteurs de ce marché n’ont pas manqué de s’exprimer à ce sujet, comme ici les responsables Guerbet :
Quelles conséquences pour les équipes paramédicales ?
Du côté des manipulateurs radio, on ne peut que se réjouir de la fin de l’incroyable gaspillage de produit de contraste iodé que pouvait constater un grand nombre de professionnels. La fin du mantra « 1 flacon, 1 patient » devrait permettre de vider les poubelles DASRI des services d’imagerie ! L’engagement des manips radio sur cette question ne deviendra pas moindre pour autant. N’oublions pas que la responsabilité du manipulateur lors de l’injection de produit de contraste au scanner est de mise, même s’il ne peut l’exercer que sous contrôle médical.
Les notions de justification et d’optimisation sont aussi fondamentales à respecter au sujet de l’irradiation du patient que pour la quantité de produit de contraste à lui administrer lors d’un scanner et d’une IRM. Si l’on tente une extrapolation du principe ALARA, on pourrait souligner qu’il convient d’injecter la dose nécessaire de produit de contraste iodé à l’obtention d’une bonne image, mais la plus raisonnable possible. En plus de cette idée directrice, il est essentiel de prendre en considération la fonction rénale du patient, les potentiels risques allergiques et les performances du scanner sur lequel on réalise l’examen. Reprenons donc point par point quelques-uns des éléments auxquels le manipulateur se doit d’être attentif pour obtenir une injection efficiente mais aux conséquences les plus minimes possibles pour le patient. p
En premier lieu, « Faire Parler » l’ordonnance, pour réaliser la meilleure image possible
Avant toute chose, il est primordial d’identifier les critères de réussite d’une « bonne image ». En effet, souvent les habitudes de service perdurent d’équipes en équipes, sans que cette question ne soit soulevée, et il convient de rappeler ces critères objectifs de fiabilité. Ainsi, En termes d ’injection de produit de contraste au scanner, on peut classer les examens en deux catégories:
- Pour un scanner à visée oncologique, dont l’intérêt principal est l’imagerie dite « du temps portal » le critère objectif d’une bonne image est un rehaussement à 110 UH du parenchyme hépatique et une équivalence de rehaussement entre l’aorte et la veine porte afin de s’assurer d’un bon temps portal.
- Pour un scanner ayant pour but une étude vasculaire (rechercher embolie pulmonaire, angioscanner des troncs supra aortiques, etc…), il faut pouvoir observer un rehaussement à 300 UH dans les gros vaisseaux qui permet de s’assurer de la bonne imprégnation des vaisseaux en distalité et ainsi d’identifier éventuellement des embols de petite taille.
Faire en sorte de respecter ces critères de réussite permet la reproductibilité de la qualité image pour un même patient d’une part, mais aussi entre des examens équivalents. Notre cours “Protocoles d’injection au Scanner” reprend tous les critères à respecter pour atteindre cette reproductibilité d’images.
Respecter les caractéristiques de chaque patient :
Il faut aussi bien se souvenir d’une règle essentielle : le poids n’influe pas la propagation du produit de contraste dans les différents compartiments du corps. En conséquence, le temps portal moyen est donc de 70 secondes pour tous les patients de moins de 70 ans. Toutefois, pour les patients les plus âgés, une fraction d’éjection faible peut retarder la phase plateau. Il faut donc conserver à l’esprit la formule suivante :
Départ d’acquisition temps portal : 70 sec mini < Âge du patient < 90 secondes max
Par ailleurs, il faut administrer la quantité de produit de contraste iodé nécessaire mais suffisante pour obtenir une reproductibilité dans la qualité de rehaussement. Pour les examens relevant de l’oncologie, il faut ainsi considérer la charge en iode (gI/kg) qui convient le mieux pour votre scanner et de l’appliquer à chaque patient avec l’objectif de répondre aux critères de réussite et de reproductibilité.
Le cours « Protocoles d’injections au scanner » que Medical Professionals vous propose, si vous y participez, de télécharger des fiches de référence avec des charges en iode appropriées pour votre équipement selon le kilovoltage appliqué et la sensibilité de vos détecteurs . Les doses adaptées à chaque patient seront ainsi visibles d’un coup d’œil.
Prendre en considération la concentration en iode des produits de contraste
En effet, au même titre que les caractéristiques propres à chaque patient, la concentration en iode des produits de contraste scanner est un paramètre à ne pas négliger pour la réalisation d’une bonne injection. Il faut rappeler que la concentration est une donnée qui intervient dans le calcul de volumes de produits à administrer que ce soit pour un examen à visée vasculaire ou oncologique. Par conséquent, chaque service d’imagerie doit adapter ces protocoles d’injection en fonction des produits qu’il utilise.
En tout état de cause, il convient de se tourner vers les recommandations des sociétés savantes et notamment celles du CIRTACI ou de l’ESUR, accessibles gratuitement en ligne. Remises à jour régulièrement, elles restent la référence en matière d’injection de produit de contraste.
Evolution des technologies et diminution de la dose d’injection
La tendance de fond chez les constructeurs est de veiller à obtenir le diagnostic le plus précis à chaque examen tout en diminuant toujours plus la dose d’irradiation délivrée au patient.
Les progrès industriels permettent aujourd’hui la diminution de la dose d’irradiation délivrée grâce à la baisse des milliampères mais aussi des KV. Et dans ce cas, il existe de réelles conséquences sur le contraste des images : plus les KV diminuent, plus la dose diminue, plus le contraste de l’anatomie augmente. La diminution des KV peut donc être à l’origine de la modification des protocoles d’injection. Pour autant, la volonté d’injecter toujours moins de produit de contraste au scanner ne doit pas exagérer cette tendance afin de limiter le risque d’altérer la qualité des images. Franchir un seuil trop bas, provoquerait trop de bruit sur l’image et rendrait le diagnostic impossible. Le rehaussement à 110 UH du parenchyme hépatique, préconisé par les sociétés savantes, facile à mettre en place, reste donc l’indicateur le plus fiable, pour s’assurer de la qualité et de la reproductibilité des images
Double énergie/Scanners à comptage photonique:
Les dernières générations de scanner équipent de plus en plus de services d’imagerie et accompagnent ou remplacent progressivement les machines conventionnelles. En ce qui concerne la double énergie, la fabrication d’images dites « monochromatiques » de haute ou basse énergie offre des possibilités nouvelles susceptibles de faire évoluer les habitudes de services. En ce qui concerne les quantités de produit de contraste à administrer, il est encore une fois à souligner que les acquisitions réalisées à basse énergie et donc faible keV permettent d’augmenter le signal de l’iode.
En ce qui concerne les acquisitions en comptage photonique, les différents constructeurs estiment que les volumes d’injection pourraient baisser d’environ 25%. Par ailleurs, certains travaux de recherche tendent à montrer que cette technologie permettrait d’utiliser d’autres produits de contraste scanner que ceux à base d’iode, par exemple les nanoparticules d’or ou des agents de contraste à partir de gadolinium.
Finalement, si l’on s’attache à considérer tout à la fois les progrès technologiques des scanners et les derniers changements en matière de remboursement des produits de contraste, il y a fort à parier que les manips radios vont devoir se mettre au diapason et faire évoluer leurs pratiques quotidiennes dans les mois qui viennent. Ces changements nécessaires, parfois inconfortables, rappellent que la remise en question des connaissances et l’apprentissage permanent font partie intégrante de la vie professionnelle. En optimisant toujours plus l’intérêt premier des patients, les manipulateurs bien formés pourront participer ainsi à la limitation des coûts de fonctionnement et du gaspillage des ressources.
Medical Professionals, toujours au service des professionnels de l’imagerie médicale, proposera prochainement un logiciel d’optimisation pour l’injection des produits de contraste iodés, qui prendra en compte les critères préconisés par les sociétés savantes. Avec l’objectif d’être utile au quotidien pour les manipulateurs, il permettra une meilleure reproductibilité des images quelles que soient les caractéristiques de chaque patient (morphologie, fragilité des veines)
En matière d’injection de produit de contraste, un manip bien formé, c’est un manip qui ne gaspille pas et qui travaille mieux.
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