Manipulateurs radio : Ces professionnels de santé aussi essentiels que méconnus
Une fois n’est pas coutume, prenons le temps de nous intéresser vraiment à la réalité de ce métier, qui est le vôtre peut-être, celui de vos collègues à l’hôpital ou d’un membre de votre famille. En effet, en dépit du formidable travail qu’ils fournissent, les manipulateurs radio restent à la fois mal connus et mal identifiés. Posez-vous cette question : comment parleriez-vous de cette profession à quelqu’un qui n’imagine même pas qu’elle puisse exister. C’est ce que nous allons tenter de faire dans les prochaines lignes.
Vous ne savez probablement pas qui ils sont, mais vous les avez déjà certainement rencontrés, lors d’une visite aux urgences pour un poignet cassé ou d’une mammographie de dépistage. Peut-être avez-vous cru qu’ils étaient infirmiers. Mais les manipulateurs en radiologie sont un élément essentiel du domaine de la santé au même titre que les autres soignants. Ce sont eux qui sont en charge des équipements d’imagerie et qui « capturent » les images de l’intérieur de votre corps. Rien ne leur échappe, qu’il s’agisse de vos os, de vos artères de vos veines ou du reste de vos organes. En fait, c’est bien souvent le travail des « manips radio » qui permet aux médecins de diagnostiquer les pathologies, surveiller leurs évolutions, prévoir les traitements chirurgicaux. Ils sont les piliers de l’imagerie médicale, les « yeux de la médecine ». Ne restons pas aveugles à leur sujet.
Une médiatisation trop discrète
Récemment, le rôle crucial qu’ont joué les manips lors de la pandémie de Covid 19 leur a valu une certaine reconnaissance de la part des grands médias généralistes en France et à travers le monde. En juin 2020 Le quotidien « le Progrès » avait notamment mis en avant l’équipe de manipulateurs de l’hôpital de Firminy qui se mettait en scène à travers des photos, chaque jour du confinement. Il y a bien eu quelques campagnes gouvernementales, certes discrètes, pour inciter les étudiants à rejoindre ce corps de métier, mais malheureusement, les manipulateurs radio sont vite retombés dans l’anonymat. En effet, La couverture médiatique de la profession émane presque exclusivement de la presse très spécialisée, qui ne cesse de déplorer les pénuries persistantes et récurrentes de professionnels et continue toujours de lister des caractéristiques du métier pour tenter de recruter de nouveaux étudiants. Finalement, On ne trouve que peu de contenus qui mettent réellement en avant le rôle des manips radio, qui reconnaissent les difficultés de ce travail et les compétences qu’il requiert. Cet article vise à remédier à cela, à offrir un meilleur aperçu de ce que signifie être un ou une « manip géniale » et à reconnaître et célébrer ce métier et ces professionnels qui passent leurs journées à voir à travers les gens mais qui eux restent paradoxalement, tout à fait trans parents aux yeux du grand public.
Les manipulateurs radios ont réalisé un livre photos pour illustrer leur quotidien à l’hôpital Le Corbusier pendant la période Covid. Photo Progrès/fournie par Bruno Bacyk
Rappel : Qu’est-ce qu’un manipulateur en radiologie exactement ?
Les manipulateurs radio sont des professionnels qualifiés en imagerie médicale et constituent « la colonne vertébrale » des équipes de radiologie. L’imagerie médicale reste une spécialité récente mais elle a révolutionné la médecine moderne en peu de temps, à tel point qu’aujourd’hui, aucune discipline ni aucune étape du processus de soin ne peut s’en passer. Ces considérations font que les manips radio disposent d’un champ de pratique extraordinairement vaste. Ils sont certifiés pour travailler dans des spécialités d’imagerie spécifiques appelées modalités, notamment la radiologie conventionnelle, l’imagerie par résonance magnétique (IRM), la tomodensitométrie (TDM), la mammographie, l’échographie, la fluoroscopie, la médecine nucléaire, la radiologie interventionnelle, la tomographie par émission de positons (TEP) et l’angiographie. En France, le Diplôme d’état ou le diplôme de technicien supérieur de manipulateur en radiologie offre l’accès à toutes ces spécialités, contrairement à de nombreux pays ou les manipulateurs sont certifiés par spécialité. On les trouve dans les Hôpitaux bien sûr, mais aussi dans les cliniques privées, les cabinets de ville, les centres anticancers. Ils peuvent travailler au sein même des urgences, ou au bloc opératoire. Cette omniprésence des manipulateurs radio au cœur du système de soin n’est pas étonnante. Grace à des appareils de haute technologie, les images produites par les manips radio constituent un réel pilier de la prise en charge globale des patients et la base du diagnostic et du traitement de toutes sortes de maladies : fractures, cancers de toutes sortes, épilepsie, maladies cardiaques et hépatiques – la liste est interminable. Ce qu’il est important de retenir, c’est que ces images ne s’obtiennent pas toutes seules, il y a toujours un « pilote dans l’avion ».
Bien plus que des presse-boutons
En effet, Il existe une idée fausse très répandue, et plutôt dégradante, selon laquelle les manipulateurs ne sont guère plus que des presse-boutons et que des machines complexes et coûteuses font tout le travail. Oui c’est vrai, les manips appuient sur des boutons, mais appuyer sur ces boutons CORRECTEMENT nécessite beaucoup de connaissances, de compétences, ainsi qu’une capacité d’analyse et une aptitude à résoudre les problèmes en temps réel. Et clairement, optimiser les paramètres d’une IRM 3T afin d’obtenir la meilleure image possible ne s’improvise pas. Il ne s’agit pas d’une tâche automatisée, d’un simple ensemble d’étapes ou d’un organigramme à suivre – si ceci, alors cela. Non, c’est bien plus complexe que ça. Connaître les paramètres d’une machine, ou plus simplement décider sur quels boutons appuyer et quels réglages utiliser, pour un patient donné, dans une situation donnée et avec une machine donnée, repose sur une multitude de facteurs qui feraient tourner la tête d’une personne moyenne. En réalité, la réalisation d’images médicales est un exercice d’équilibriste, où il s’agit de trouver le meilleur compromis entre de multiples considérations la fois techniques et pratiques, interdépendantes et ayant des caractéristiques très diverses.
Par exemple, un des principes fondamentaux qui régissent le travail des manipulateurs et notamment ceux qui gèrent les rayonnements ionisants est le principe ALARA , qu’il convient de respecter avant d’appuyer sur les boutons… C’est une règle essentielle de radioprotection qui signifie « aussi bas que raisonnablement possible ». C’est la responsabilité des manipulateurs que d’exposer les patients à une dose de rayonnement aussi faible que possible pour obtenir une image de haute qualité pouvant être utilisée pour le diagnostic et les décisions de traitement. La répétition des procédures expose les patients à des risques inutiles liés aux radiations. Les manipulateurs doivent faire en sorte de réussir leurs examens du premier coup, aussi souvent que possible. Si l’on prend l’exemple de la radiographie, cela nécessite notamment de connaître la durée d’exposition des patients aux sources de rayonnement, la distance par rapport à ces sources et les types de blindage ou de protection à utiliser lors d’une procédure particulière. Cela peut sembler assez simple jusqu’à ce que vous teniez compte de tous les autres facteurs qui entrent en jeu dans les procédures d’imagerie médicale.
Un compromis permanent entre technique et soin du patient
Tout en garantissant la dose la plus faible possible au patient, un manip radio doit également ajuster les paramètres de l’équipement pour tenir compte de la constitution et de l’âge du patient (En effet la radioprotection des enfants nécessite des considérations spécifiques, encore plus strictes que celle des adultes), de la région anatomique que les médecins doivent visualiser et de sa constitution, de la pathologie suspectée, de l’anatomie radiologique, de la physiologie et du positionnement du patient. Car oui, en radiologie conventionnelle, les patients doivent être placés dans des positions spécifiques sous des angles spécifiques afin de visualiser correctement la région anatomique concernée. C’est un métier. Et ce n’est pas toujours facile.
Réussir une incidence en radiologie conventionnelle représente souvent un défi pour de nombreuses raisons. Les patients ne savent généralement pas ce que l’attend d’eux, les manipulateurs doivent donc établir une communication claire et empathique avec eux afin qu’ils comprennent la procédure elle-même et son objectif et suivent au mieux les instructions afin d’éviter de devoir répéter l’imagerie. La difficulté augmente lorsque le patient est un jeune enfant, ne parle pas la même langue, ou encore est victime de déficience visuelle ou auditive.
Il ne faut pas oublier que les personnes que les manips reçoivent sont rarement tout à fait bien portants : Ils sont souvent âgés avec une mobilité réduite, très algiques, viennent parfois de subir de lourds traumatismes, sont affaiblis par des maladies chroniques douloureuses. Les patients souffrent parfois de démence, ou alors ce sont de minuscules bébés dans les unités de soins intensifs néonatales. Parfois, les patients sont alcoolisés, sous l’influence de substances et peu coopératifs, voire violents. Réaliser une bonne incidence est, à certains égards, autant un art qu’une science. Ce qui est certain, c’est que c’est un métier.
Des très bonnes connaissances théoriques indispensables
Mais ce n’est pas tout, les manipulateurs radio ont besoin de solides connaissances physiques pour comprendre le fonctionnement des équipements de haute technologie qu’ils utilisent et optimiser leurs procédures d’examen, sans oublier de prendre en compte les spécificités propres de chaque constructeur. En effet, pour utiliser un scanner ou une IRM, ils doivent tout connaitre par exemples des interactions des rayonnements ionisants ou des champs électro-magnétiques avec les différents tissus du corps humain. Sans tout cela, ils ne sauraient pas « sur quels boutons appuyer ».
Il faut bien entendu rappeler que l’optimisation de toutes ces compétences a pour but essentiel la meilleure prise en charge possible pour le patient. Un examen bien réalisé peut garantir la détection précoce de pathologies et donc de meilleures chances de guérison. De la même façon, une erreur du manip radio est susceptible d’engendrer des images de moindre qualité et éventuellement un diagnostic erroné avec potentiellement des répercussions majeures pour le patient. De l’extérieur, on ne voit que le résultat mais derrière l’image finie, il y a un professionnel capable de gérer l’émission de photons X ou d’organiser les protons de votre corps comme il le souhaite. Et ce n’est pas à la portée du premier venu… Cela nécessite une formation spécifique et rigoureuse, un esprit critique et des compétences relationnelles, cela nécessite un diplôme. C’est un métier.
Un cursus exigeant et une remise en question constante
Derrière la totale inexactitude de cette image de « presse-boutons », il y a 3 années d’études et un niveau licence à la sortie : Autant que les infirmiers, les kinésithérapeutes, les podologues… La formation que les étudiants manipulateurs suivent est tout autant théorique que pratique. A la fin de leur cursus, ils bénéficient d’une connaissance approfondie de l’anatomie, de solides compétences physiques, et de tous les éléments pour développer les attitudes empathiques que l’on espère chez un professionnel de santé. En France, à la fin de leurs études, les jeunes manipulateurs sont capables d’exercer chacune des spécialités suivantes : radiologie conventionnelle, scanner, IRM, médecine nucléaire, radiothérapie…
Et leur formation ne s’arrête pas à l’obtention d’un diplôme. Le rythme exponentiel de l’évolution technologique, les progrès de la recherche, le développement de nouvelles procédures, tout cela nécessite une formation et une remise en question constantes, les manipulateurs doivent continuer à se former et à apprendre tout au long de leur carrière. En France, une obligation de développement personnel continu (DPC) triennale s’est imposée à tous les professionnels de santé. Cette obligation est accompagnée par des démarches de financement de la formation continue soit par l’ANDPC, le FIF-PL, ou un financement de la formation à travers l’OPCO. Les actions peuvent varier entre la formation continue, l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) ou la gestion des risques (GDR).
Un travail physiquement exigeant
Les exigences de cette profession ne sont pas qu’intellectuelles, être manipulateur en radiologie peut aussi se révéler physiquement éprouvant. En effet, Les manips radio passent beaucoup de temps debout. Tout au long de leur journée de travail, ils marchent beaucoup, piétinent souvent, poussent des patients en fauteuil roulant ou en brancard et déplacent des équipements portables très lourds tels que des arceaux ou des appareils de radio mobile.
Les transferts de patients de leur lit à la table d’examen sont fréquents et ils doivent régulièrement supporter le poids des moins valides et des plus faibles d’entre eux. La pratique de la radiologie conventionnelle par exemple, suppose de tenir parfois les cassettes et autres capteurs-plans à bout de bras. Au bloc interventionnel ou en médecine nucléaire, le port du tablier plombé est obligatoire. Pris isolément, ces considérations ne semblent pas insurmontables, mais sur toute une carrière, on ne peut ignorer les risques encourus et notamment les troubles musculosquelettiques. Aux USA, les programmes de formation en imagerie médicale alertent les futurs étudiants sur ces exigences physiques. Enfin, il ne faut pas oublier que les manipulateurs radio ne sont pas médecins et de fait, n’ont en aucun cas le droit de transmettre de résultats et donc de dire aux patients ce qu’ils ont pu observer sur leurs écrans car c’est tout simplement illégal. Poser un diagnostic est une prérogative exclusivement médicale. Ce que les patients peuvent parfois considérer comme un manque de communication ou d’intérêt manifeste, n’est que l’expression du secret médical et du devoir de réserve. Le manipulateur peut se trouver parfaitement démuni face à un patient qui lui demanderait si son cancer a progressé, mais en aucun il ne pourra lui donner de réponses. C’est un sentiment incongru, une frustration qu’il faut aussi apprendre à gérer au quotidien et cela nécessite une bonne gestion de ses émotions.
Les manipulateurs radio sont moins de 30000 en France, soit à peine 10% de l’effectif de leurs collègues infirmiers, mais ils sont essentiels. La prochaine fois que vous ou quelqu’un de votre famille allez passer un examen d’imagerie médical, regardez bien leur badge et rappelez-vous de tout ce qu’ils sont capables de faire.
Être reconnus à leur juste valeur
Malgré les difficultés de ce métier, qu’elles soient intellectuelles, émotionnelles et physiques, les manipulateurs en radiologie sont bien souvent passionnés par leur métier. Eux savent bien que leur rôle est essentiel, qu’ils sont essentiels, que la prise en charge globale et l’avenir des patients dépendent bien souvent de leurs capacités à obtenir les meilleures images possibles avec toutes les contraintes que cela implique. Comme d’autres soignants, ils acceptent bien souvent sans sourciller la surcharge de travail mais ce qu’ils demandent est simple : être vus, enfin ! Et que leur travail soit reconnu pour toutes les compétences qu’il requiert et l’importance qu’il revêt dans la prise en charge des patients. Une requête plutôt juste en somme. Après tout, ils sont les yeux de la médecine, qui sans eux serait aveugle.
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