La recherche paramédicale : Une opportunité pour l’évolution des Manips Radio
A l’instar de la science médicale à proprement parler, le soin est aussi devenu un objet de recherche. Le milieu hospitalier s’accorde aujourd’hui pour considérer que la prise en charge globale du patient recèle autant de possibilités de progression que la mise en place de nouveaux traitements. C’est ainsi que le soin infirmier s’est emparé de ces questions il y a maintenant plus de 40ans avec notamment la création de l’ARSI , Association de recherche en soins infirmiers. Plus nombreuses, mieux représentées et identifiées, les infirmières ont été des précurseuses en termes de recherche paramédicale. Mais quand est-il des manipulateurs radio ? Alors que la corporation s’efforce de faire reconnaitre son statut de soignant plein et entier depuis plusieurs décennies, il pourrait sembler contre-intuitif de croire que les manipulateurs radios réussissent à trouver une place toujours plus conséquente au sein de la recherche paramédicale. Et pourtant !! Les projets à l’initiative des professionnels de l’imagerie sont toujours plus nombreux à trouver du soutien et des financements. Alors que la profession se bat encore et toujours avec des questions existentialistes, l’oasis de la recherche paramédicale offre toujours plus de possibilités.
Le PHRIP, ou la reconnaissance spécifique des projets de recherche paramédicaux
En 2011, la Direction générale de l’Offre de Soins (DGOS) a créé le Programme hospitalier de recherche infirmière et paramédicale (PHRIP) qui offre chaque année l’opportunité aux professionnels de présenter des projets qui visent à soutenir la recherche autour des soins réalisés par les paramédicaux. La création de ce programme fait suite à l’application de la réforme LMD (Licence Master Doctorat) qui transforme les formations initiales des infirmières et des autres paramédicaux dont les manips radio et met au jour ce potentiel de recherche. Depuis la création du PHRIP, ce sont 12 projets proposés par des manips radio qui ont sélectionnés et financés. Cet investissement de la profession est à souligner et laisse deviner l’intérêt pour ce qui peut devenir un vrai renouvellement professionnel. Il est à noter que ce sont principalement les CHU et leurs missions universitaires qui sont le plus enclins à accorder du temps à leurs agents pour développer un projet de recherche.
Figure 1 La recherche paramédicale au CHU de Bordeaux
En effet, les manips radio peuvent se positionner en tant que « support » d’une recherche médicale préexistante et faciliter sa bonne mise en œuvre, grâce à leurs expertises spécifiques en imagerie médicale. Mais ce qu’il faut retenir, c’est qu’ils peuvent aussi mener eux-mêmes leurs projets : citons ici l’exemple de Florian Nassiri, manipulateur au CHU de Poitiers, lauréat de la Bourse Recherche AFPPE/CNPEM en 2019 avec son projet PARADIS (PAramedical and RADIographic detection of traumatic bone lesions of the extremitieS). Après avoir obtenu cette bourse de 25000 euros pour la mise en place de l’étude pilote de ce projet, son projet PARADIS2 a aussi été retenu par le PHRIP, ce qui a permis le déploiement de l’étude dans plusieurs CHU. Les manipulateurs sont véritablement proactifs dans le domaine de la recherche paramédicale et vous pouvez retrouver les projets des lauréats de la bourse recherche AFPPE/CNPEM des autres années sur le site de l’AFPPE ainsi que les projets retenus par le PHRIP depuis sa création. L’impact de la mise en œuvre de projets de recherche par les manips est donc aujourd’hui bien réel et peut clairement influencer le quotidien des professionnels et des patients
Un nouveau diplôme, dédié aux manipulateurs radio
Pour autant, pour les manipulateurs précurseurs dans ce domaine, la route n’était clairement pas tracée. Nous avons rencontré Guillaume Davy, coordonnateur de la recherche paramédicale au sein du CHU de Poitiers, qui nous confiait qu’il avait dû apprendre « sur le tas » les rudiments de la recherche : « à l’époque, il n’y avait pas de formation à l’hôpital pour apprendre les méthodes ». Parce qu’en effet, avoir une idée ne suffit clairement pas : assurer la gestion des protocoles de recherche, connaitre les réglementations, savoir recueillir les données sont autant de paramètres que les manipulateurs de recherche se doivent de maitriser. Depuis 2020, la création du DU « acquisition de compétences en recherche clinique pour les manipulateurs d’électroradiologie médicale »(DU MERC) au sein de la faculté de médecine de Montpellier permet de répondre à cette problématique. On dénombre une soixantaine de manipulateurs diplômés à ce jour. Ce DU est spécifiquement dédié aux professionnels de l’imagerie médical, à la différence des autres cursus d’attaché de recherche clinique. A raison d’une promotion d’une vingtaine d’étudiants par an, si vous avez des idées et comme le dit Guillaume Davy : « le désir de sortir des sentiers battus », la recherche vous offre ses portes !
Figure 2 Guillaume Davy lors de l’enregistrement de “Portraits de Manips”
La recherche paramédicale s’implante partout sur le territoire
Aujourd’hui la recherche paramédicale s’organise de plus en plus et s’institutionnalise : on compte en France 7 GIRCI (Groupements interrégionaux pour la recherche clinique et l’innovation) répartis au sein des territoires. Ce sont des « structures ombrelles » dont le rôle est d’orienter et d’appuyer les actions de recherche appliquée en santé portées par les établissements de santé ou les structures de médecine de ville. Elles sont entre autres, un appui à l’activité de vigilance et leurs actions viennent compléter celles des dispositifs d’appui des CHU et des centres de recherche et favorisent les partenariats dans le domaine de la recherche.
Par ailleurs, la recherche ouvre la voie à de nouveaux métiers. Ainsi le ministère de la santé reconnait aujourd’hui la fonction decoordonnateur paramédical de la recherche en soins infirmiers, rééducation et médico-techniques ayant pour but de « concevoir, piloter, mener des actions pour développer et valoriser la recherche en soins ». Cette présence sur le terrain de professionnels aguerris, permet d’accompagner les équipes paramédicales pour l’élaboration de projets de recherche. Aujourd’hui, des manips radio exercent cette fonction au même titre que les autres paramédicaux et Guillaume Davy, invité récemment dans « Portraits de manips » a récemment été élu à la fonction de pilote de la commission nationale des coordonnateurs paramédicaux de la recherche (CNCPR).
Les missions des organisations que nous venons d’évoquer ont toutes pour objectif d’assurer la promotion de la recherche paramédicale et permettent de développer la culture scientifique des professions de santé qui s’y confrontent. A n’en pas douter le niveau de compétence global ne devrait cesser d’augmenter dans les prochaines années.
Figure 3: LIVRE BLANC CNCPR/ MARS 2022
En définitive, la recherche paramédicale, c’est aujourd’hui pour les manips radio, une opportunité réelle de poursuivre un cursus universitaire, en Master, et pourquoi pas jusqu’à la thèse de doctorat. Mais avant tout, cela reste un moyen des remettre en question ses pratiques professionnelles, de satisfaire sa curiosité intellectuelle et bien sûr de se former encore et toujours. Gageons que l’impact des projets scientifiques menés par les professionnels de l’imagerie seront un argument de plus dans en faveur de la reconnaissance de l’importance du travail des manipulateurs radio.