L’intelligence Artificielle (IA) Appliquée à la Pratique du Manipulateur en Imagerie : Quel Impact au Quotidien ?

IA en médecine
L’intelligence artificielle transforme de nombreux secteurs, notamment la santé, où elle s’intègre aux équipements et logiciels d’imagerie médicale. Grâce au Deep Learning, les fabricants améliorent constamment leurs technologies, amenant les professionnels de santé à s’adapter en permanence à ces innovations pour optimiser leur utilisation et en exploiter pleinement le potentiel. Cette année, le sommet sur l’IA à Paris a réuni des leaders mondiaux pour discuter de l’avenir de cette technologie révolutionnaire. Parmi les sujets abordés, l’impact écologique de l’IA a été mis en lumière, avec la création d’un observatoire dédié à l’analyse des impacts environnementaux. Ces développements montrent que l’IA ne cesse de progresser, tout en soulevant des questions cruciales sur son impact et son utilisation éthique.
L’IA, un outil novateur pour les manipulateurs en imagerie médicale au service d’une meilleure prise en charge du patient ?
- Qu’est-ce que l’IA ?
- Amélioration de la prise en charge du patient par les outils d’IA et avènement d’un manip « augmenté »
- Optimisation de la radioprotection et amélioration de la résolution spatiale
- Optimisation du workflow
- Les limites et biais
L’intelligence artificielle est un système informatique capable de simuler l’intelligence humaine en apprenant et en s’adaptant. Le Machine Learning, une branche de l’IA, permet aux algorithmes d’apprendre à partir de données formant le Big Data pour exécuter des tâches sans programmation explicite. Tandis que le Deep Learning, basé sur des réseaux neuronaux, traite des informations complexes en extrayant automatiquement les éléments pertinents. Cette avancée repose sur une grande puissance de calcul et d’énormes volumes de données pour améliorer précision et performance. Plus le Big Data est riche et pertinent, plus l’IA devient efficace, précise et sensible. (D’Ascoli. 2020).
Les réseaux de neurones artificiels du Deep Learning sont constitués de plusieurs couches : une couche d’entrée composée de données, une ou plusieurs couches cachées qui effectuent des transformations complexes, et une couche de sortie qui génère le résultat. Chaque neurone est connecté aux autres via des poids qui sont des caractéristiques des données et un seuil d’activation. Si l’entrée dépasse ce seuil, le neurone s’active et transmet l’information à son voisin et ainsi de suite. L’apprentissage se fait par l’ajustement des poids grâce à l’expérience, permettant au réseau d’évoluer et de s’améliorer. Cependant, les experts ne comprennent pas toujours les connexions faites entre les neurones ni les caractéristiques trouvées par l’algorithme pour obtenir les bons résultats. Cet effet boîte noire montre combien ces systèmes sont profonds, complexes et cela soulève des préoccupations en matière de responsabilité, de transparence et de biais potentiels. (FLORENT 2024)
Les start-ups d’IA en santé se multiplient pour déployer leurs solutions dans les établissements médicaux et améliorer le parcours de soins des patients. Par exemple, AZmed illustre cette avancée avec Rayvolve, un outil d’assistance au diagnostic qui repère automatiquement les fractures osseuses sur les radiographies. Ainsi, si l’IA détecte une fracture de la cheville, le manipulateur proposera au patient de protéger le pied de l’appui, sur un brancard, en attendant la confirmation du diagnostic. Le manipulateur, qui n’a pas la compétence et la responsabilité de poser le diagnostic, adapte sa prise en charge du patient, assisté par l’IA. Il devient ainsi actif au diagnostic et peut alerter le radiologue de l’urgence de la pathologie du patient. La relation entre manipulateur et radiologue est ainsi renforcée et valorisée. (Rayvolve – Solycare)
La start-up Incepto a développé SubtleTEP, un outil d’IA pour la tomographie en médecine nucléaire qui réduit à la fois le temps d’examen et la dose de radiotraceur injectée. Cette innovation améliore la radioprotection des patients et constitue une alternative économique face à la hausse des coûts pharmaceutiques. Grâce à un algorithme de reconstruction d’image par débruitage, l’outil permet d’obtenir des images TEP haute résolution avec seulement 0,5 % de la dose standard. Une version similaire, SubtleMR, a été conçue pour l’IRM afin d’optimiser les séquences et raccourcir la durée des examens. Une étude menée en 2022 a montré que cet outil, validé par la Food and Drug Administration (l’équivalent américain de notre Agence Nationale de la Sécurité du Médicament), permettait d’accélérer les séquences de 60 % tout en maintenant une haute qualité d’image, améliorant ainsi l’expérience du patient et l’efficacité du diagnostic. (Rudie et al. 2022) (Bash et al. 2021) (Xu et al. 2017) (SubtleMR)
Au scanner, grâce à sa solution Effortless Workflow, le constructeur Général Electric développe des outils pour optimiser les paramètres automatisés et adaptés pour chaque patient, tout en maintenant une faible dose de rayonnement. Le flux de travail est simplifié, les tâches sont automatisées tout au long de l’acquisition et pour une meilleure radioprotection
De plus, la technologie d’IA au sein même des machines d’imagerie permet de réduire le temps des examens, améliorant le confort pour les patients et le workflow. Par exemple, le temps d’acquisition d’une IRM mammaire chez le constructeur Philips, autrefois supérieur à 30 minutes, a été réduit à 8 minutes en améliorant la qualité des images. (Intelligence artificielle et santé : plus jamais l’un sans l’autre ? (1/2)) Disponible à l’adresse : https://esante-2024.interaction-healthcare.com
Cette technologie de reconstruction d’image renforcée par IA est utilisée également chez le constructeur Siemens avec son logiciel Deep Resolve qui accroit le rapport signal sur bruit pour une meilleure qualité d’image sans rallonger le temps d’acquisition
De la même façon, au scanner, les logiciels Philips intégrés aident désormais les manipulateurs à positionner plus rapidement et avec précision les patients en utilisant une caméra dotée d’IA et des réseaux de neurones. (CT Smart Workflow la solution scanner avec IA | Philips Healthcare) Disponible sur : https://www.philips.com
Si l’IA promet de belles avancées dans la santé, de nombreux défis se posent également. Les principaux problèmes démontrés sont la sécurité des données, et la fiabilité des résultats. Des études révèlent que l’outil montre des erreurs de diagnostic et de résultats, bien qu’elles soient inférieures à 5%. La limite essentielle est l’accès aux bases de données référencées par des experts. Il faut collecter des centaines de milliers d’images pathologiques pour engendrer un Big Data puissant pour développer des outils dans la santé. Des politiques de déploiement d’algorithme et des chartes pour utiliser des données des patients plus libres doivent être mises en place et encadrées. L’État a créé le Health Data Hub, un groupement d’intérêt public, avec pour objectif de promouvoir l’accès aisé et unifié, transparent et sécurisé aux données de santé, dans le respect des droits des citoyens, pour l’amélioration de la qualité des soins et l’accompagnement du patient. Le HDH a soutenu 10 projets innovants associant startups et équipes médicales ou de recherche académique et réalise des tables rondes sur le sujet pour sensibiliser le public. (D’Ascoli, 2020).
Un risque plus préoccupant concerne la cybersécurité des données et des structures de santé, allant d’une panne de plusieurs jours à une fuite de données confidentielles sur les patients. En janvier 2024, le CHU de Nantes en a fait les frais, des pirates ont provoqué une panne informatique. Un cas plus grave encore, l’hôpital d’Armentières, en février 2024, a subi une immobilisation des réseaux et des services de soin. Les pirates sont allés jusqu’à demander une rançon à l’établissement pour rétablir le réseau. (Piratage de l’hôpital d’Armentières : près d’1 million de données patients publiées ? – Le Monde Informatique 2024)
https://www.lemondeinformatique.fr
Des réglementations sont nécessaires pour un encadrement et une régulation de son utilisation, comme le projet IA Act créé par le parlement européen, introduit en 2021 et mis à jour régulièrement. Le projet précise que les dispositifs mettant l’IA en jeu doivent être utilisés à des fins spécifiques et légitimes et doivent être soumis à des exigences de sécurité et de transparence strictes. Cette année 2025 marque l’année de l’IA. En effet, le président Emmanuel Macron a supervisé le Sommet pour l’Action de l’IA en février, événement historique réunissant chefs d’états et leaders de la tech, au cours duquel il a annoncé vouloir investir 109 milliards d’euros dans la recherche et le développement de nouvelles technologies face au président américain Donald Trump qui, lui, prévoit un plan de 500 milliards de dollars. De plus, un accord diplomatique avec une soixantaine de pays à l’exception des Etats-Unis et du Royaume-Uni a été signé pour une IA ouverte, inclusive, éthique et à faible impact énergétique. (Intelligence artificielle : les six choses à retenir du sommet de Paris 2025).
Conclusion
L’intelligence artificielle a le potentiel de changer radicalement le secteur de la santé. Concernant le manipulateur en imagerie, l’IA fait gagner du temps sur plusieurs points : le positionnement et le centrage du patient, le réglage des paramètres, le placement des boites d’acquisition, et la reconstruction d’images. Aussi, l’IA permet au manipulateur d’injecter moins de produit de contraste, et d’optimiser la radioprotection et la pharmacovigilance. Le travail du manipulateur est allégé, facilité, en automatisant les tâches par IA et le parcours de soin du patient est optimisé. Le manipulateur a ainsi plus de temps dégagé pour être à l’écoute du patient et améliorer sa prise en charge. Pour les patients, cela se traduit par des examens plus rapides, plus confortables, et d’une meilleure radioprotection. L’IA permet de créer un manipulateur « augmenté ». A l’avenir, de nouvelles compétences peuvent découler de cette révolution technologique. Par exemple, dans chaque établissement de santé, un référent IA pourrait surveiller en continu ces outils pour s’assurer que les performances restent optimales, calculer la rentabilité de son utilisation, remonter les erreurs aux ingénieurs, faire des formations régulières aux équipes.
Rédigé par Ilana Sultan, manipulatrice en électroradiologie
SOURCES
Bibliographie
D’ASCOLI Stéphane. 2020. Comprendre les bases de l’intelligence artificielle en 5 minutes par jour. Edition First. Livre. SULTAN Ilana. 2024. L’intelligence artificielle en imagerie médicale. JDH éditions. Livre
Sitographies
- Source du schema de réseaux de neurones : FLORENT, Margot, 2024. Neurones artificiels et neurones biologiques – Tree Learning. [en ligne] 13 mai 2024.
- Rayvolve – Solycare, [en ligne].
- Source de l’image AZmed Dicom : 1194079.png (2703×1350), [en ligne].
- RUDIE, Jeffrey D. et al., 2022. Clinical Assessment of Deep Learning-based Super-Resolution for 3D Volumetric Brain MRI. Radiology. Artificial Intelligence. Vol. 4, no 2, p. e210059. DOI 10.1148/ryai.210059.
- BASH, S. et al., 2021. Deep Learning Enables 60% Accelerated Volumetric Brain MRI While Preserving Quantitative Performance: A Prospective, Multicenter, Multireader Trial. American Journal of Neuroradiology. DOI 10.3174/ajnr.A7358.
- XU, Junshen et al., 2017. 200x Low-dose PET Reconstruction using Deep Learning. arXiv:1712.04119. arXiv. arXiv:1712.04119. DOI 10.48550/arXiv.1712.04119. arXiv:1712.04119 [cs]
- SubtleMR, Incepto medical [en ligne].
- Effortless Workflow pour l’imagerie CT, [en ligne].
- Intelligence artificielle et santé : plus jamais l’un sans l’autre ? (1/2), Les Grandes Tendances de la e-Santé 2024 [en ligne].
- Deep Resolve, [en ligne].
- « L’IA pour gagner du temps et améliorer la précision dans le positionnement du patient », Philips Healthcare, juin 2021. [en ligne].
- Piratage de l’hôpital d’Armentières : près d’1 million de données patients publiées ? – Le Monde Informatique, 2024LeMondeInformatique [en ligne].
- Intelligence artificielle : les six choses à retenir du sommet de Paris, 2025L’Express [en ligne].