L’artefact de susceptibilité magnétique en IRM
Introduction
L’artefact de susceptibilité magnétique fait partie de la « même famille » que les artefacts métalliques. Cependant, contrairement à ceux-ci, dont l’origine est non anatomique, celui-ci est dû à une grande différence de susceptibilité magnétique entre deux tissus du corps humain quand ceux-ci sont juxtaposés. De plus les hétérogénéités de champ magnétique principal B0 provoquées, par cet artefact, sont moins importantes qu’en présence de métal et sont responsables, essentiellement, d’une diminution du T2*.
Origine
La susceptibilité magnétique (X) d’un tissu dépend de sa capacité à s’aimanter plus ou moins fortement en présence d’un champ magnétique externe. Lorsqu’un tissu est soumis à un champ d’induction magnétique (H) (unité en Tesla (T)), il apparaît une aimantation magnétique (M) dans celui-ci. Dans la plupart des tissus, M est linéairement proportionnel à H. Plus un tissu voit sa capacité à s’aimanter augmenter, plus sa susceptibilité magnétique est importante. Elle s’exprime en partie par million (1 ppm = ) et est définie par la relation suivante :
X = M / H
Avec :
- X = susceptibilité magnétique du tissu
- M = aimantation du tissu
- H = induction magnétique en Tesla (T)
Cet artefact est dû à une très grande différence de susceptibilité magnétique entre deux tissus juxtaposés (air/tissu, sang/tissu, os/tissu par exemple…) à l’origine d’un gradient de champ magnétique intrinsèque à leur interface. Ce gradient, responsable d’inhomogénéités de champ principal B0, induit des variations locales de la fréquence de Larmor au sein d’un voxel, responsable d’une accélération de la relaxation T2* au niveau de la zone transitionnelle d’où un signal hypo-intense sur l’image (Fig 1).
Fig 1. (a) L’artefact de susceptibilité magnétique au niveau d’une interface os/tissu/air, par exemple juste au-dessus des rochers (pointe de flèche) ou au niveau du sinus de l’ethmoïde (cercle), est très prononcé sur la coupe en écho de gradient T2* du fait du gradient intrinsèque qui accélère la relaxation T2*. (b) L’artefact disparaît sur la coupe réalisée en écho de spin du fait de la présence des impulsions dite « de rephasage à 180° » permettant de s’affranchir des déphasages dus aux inhomogénéités de champ principal B0.
Artefact de susceptibilité magnétique : comment ?
Pourquoi les tissus s’aimantent-ils en présence d’un champ magnétique externe ?
Comme déjà dit, la susceptibilité magnétique (X) d’un tissu caractérise sa capacité à s’aimanter en présence d’un champ magnétique externe. Un tissu est composé au niveau microscopique d’atomes liés ensemble. Un atome est composé d’un noyau autour duquel gravite des électrons. Le noyau de l’atome est lui-même constitué d’un certain nombre de protons (charge positive) et de neutrons (électriquement neutre), les nucléons. Le nombre de protons est égal au nombre d’électrons pour que l’atome soit électriquement neutre. Les particules fondamentales telles que les protons, chargées positivement, possèdent plusieurs propriétés physiques intrinsèques, dont une en particulier appelée «spin» (= mouvement de rotation sur elle-même).
L’électrodynamique classique décrit les particules chargées en rotation se comportant comme des dipôles magnétiques. Ainsi le spin du proton (= charge en mouvement) induit un champ magnétique appelé moment magnétique représenté par un vecteur d’aimantation . Les neutrons, bien qu’électriquement neutres, possèdent également un moment magnétique. Cela est dû au fait que les neutrons comme les protons (les nucléons) sont constitués de sous particules chargées positivement ou négativement en rotation appelées quarks. Cela explique que les neutrons possèdent eux aussi, bien qu’ils soient électriquement neutres, un moment magnétique non nulle. Au sein du noyau de l’atome, les moments magnétiques des protons et des neutrons s’annulent deux à deux de façon a ce qu’il soit le plus stable possible nucléairement parlant. Ainsi seuls les atomes à nombre impair de nucléons possèdent un moment magnétique intrinsèque dit total (Fig 2).
Noyau | Polarisation à 3T à 20°C |
---|---|
Hydrogéne | 10.46 10-6 |
Carbon | 2.63 10-6 |
Fluor | 9.84 10-6 |
Phosphore | 4.24 10-6 |
Fig 2. Exemples d’atomes se trouvant dans le corps humain ayant un moment magnétique intrinsèque dit total du fait de leur nombre impair de nucléons.
Chacun de ces atomes pouvant être vu comme un aimant élémentaire possédant un moment magnétique représenté par un vecteur d’aimantation si l’on ne s’intéresse qu’aux propriétés magnétiques. A l’état naturel, il n’y a pas d’aimantation intra tissulaire du fait de la répartition dite « aléatoire » des moments magnétiques des différents atomes.
Au contraire, lorsqu’un tissu du corps humain est soumis à un champ magnétique externe, sa structure microscopique interagit avec ce champ qui pénètre le tissu. Chacun des aimants élémentaires peut avoir tendance à s’aligner avec ce champ ou bien à s’y opposer, la réponse dépendant au niveau microscopique de la nature des atomes et des forces de liaisons qui les lient. Il en résulte au sein du tissu une aimantation macroscopique globale (M).
La susceptibilité magnétique (X) {\displaystyle \chi _{\mathrm {m} }} peut être alors vue comme le « degré de réponse » d’un tissu au champ magnétique externe appliqué. Plus X est grand, plus l’aimantation du tissu est importante (Fig 3). On distingue quatre comportements magnétiques en fonction de la valeur de X :
- Le diamagnétisme (X < 0 ppm) est un comportement qui crée une très faible aimantation opposée au champ magnétique extérieur (H). Lorsque le champ magnétique extérieur n’est plus appliqué, l’aimantation disparaî
- Le paramagnétisme (0 < X < 300 ppm) est un comportement qui crée une aimantation faible dans le sens du champ magnétique extérieur (H). Lorsque le champ magnétique extérieur n’est plus appliqué, l’aimantation dispara
- Le ferromagnétisme (X > 300 ppm) est un comportement qui crée une aimantation élevée dans le sens du champ magnétique extérieur (H). Lorsque le champ magnétique extérieur n’est plus appliqué, l’aimantation persiste en par
- L’amagnétisme se dit de la matière dont la susceptibilité magnétique est nulle. Dans les faits, ce type de matière n’existe pas. Cela correspond au vid
Fig 3. Spectre des valeurs de X des différents tissus du corps humain : Issue of the role of magnetic susceptibility in magnetic resonnance imaging : MRI magnetic compatibility of the first and second kinds – John F.Schenck
Pourquoi l’artefact se traduit, à l’image, par un signal hypo intense ?
Notion de relaxation T2 = déphasage spin-spin
Les noyaux d’hydrogène, possédant un seul proton et donc un moment magnétique global, se trouve dans la molécule d’eau laquelle est présente en très grande quantité dans la plupart des tissus physiologiques du corps humain (Fig 4). C’est elle qui est le plus souvent étudiée dans l’IRM clinique et de recherche.
Tissus biologiques | Teneur en eau (en %) |
---|---|
Urine | 99 |
Liquide cérébrospinal | 97 |
Substance grise | 84 |
Substance blanche | 72 |
Reins | 81 |
Muscle | 79 |
Foie | 71 |
Ligaments | 64 |
Os corticale | 12 |
Air | 0,5 |
Fig 4. Teneur en eau de différents tissus biologiques du corps humain.
En présence d’un champ magnétique externe B0, il y aura organisation des moments magnétiques suivant 2 états énergétiques. Soit ils s’orientent, suivant l’axe de B0, en position parallèle (dite de basse énergie), soit en position antiparallèles (dite de haute énergie) avec un excès en position parallèle.
Immédiatement après l’impulsion d’excitation, les moments magnétiques des protons d’hydrogène se trouvent en phase créant un moment magnétique transversal global ou aimantation transversale (Mxy). A l’arrêt de l’impulsion d’excitation, les spins voisins interagissent les uns avec les autres. Cette interaction affecte la fréquence de précession de chacun – les spins se déphasent (on parle de perte de cohérence de phase des spins)- entraînant la diminution de l’aimantation transversale (= relaxation T2 ou relaxation transversale ou relaxation spin-spin). Ce mécanisme se déroule suivant une constante de temps caractéristique nommée T2, également appelée temps de relaxation T2, transversale ou spin-spin.
Notion de relaxation T2*
Théoriquement, l’aimantation transversale Mxy, obtenue après excitation, devrait suivre une décroissance exponentielle appelée T2. Dans la réalité, l’aimantation transversale (Mxy) décroit suivant une exponentielle décroissante de temps appelé T2*. Ce phénomène, appelé relaxation transversale des tissus en T2*, est la conséquence d’interactions des noyaux d’hydrogène entre eux, dues aux hétérogénéités du champ B0 d’origine moléculaire, responsable de leurs déphasages (vrai T2) plus les déphasages supplémentaires dus aux hétérogénéités locales de champ principal B0 (*= T2inh). Cette relaxation est responsable de la véritable décroissance du signal.
Notion de gradient de champ magnétique intrinsèque
Un gradient de champ magnétique, quel qu’il soit, se comporte toujours de façon similaire. A savoir, il modifie de façon linéaire, constante et localement le champ magnétique principal B0. Ce qui a pour conséquence des variations locales de la fréquence de Larmor.
Les inhomogénéités de champ magnétique dans les tissus physiologiques du corps humain peuvent être causées par des différences locales de susceptibilités magnétiques tissulaires. Ces différences sont particulièrement importantes aux jonctions tissu-air-os qui se produisent près des sinus et des conduits auditifs internes (présence des rochers à proximité). Cela a pour conséquence l’apparition d’un gradient de champ magnétique intrinsèque à l’interface de ces structures.
En IRM, le nombre de déphasage, et donc le T2* mesuré dans un voxel, dépend de la répartition des fréquences de résonance à l’intérieur du voxel. Dans les régions anatomiques de forte susceptibilité magnétique, du fait de la présence de ce gradient de champ intrinsèque, la fréquence de résonance variera, fortement à l’intérieur du voxel ce qui entrainera un déphasage plus rapide d’où une diminution du T2* responsable d’une décroissance du signal plus rapide (fig 5). Plus deux tissus juxtaposés auront des différences de susceptibilité magnétique importante, plus le gradient de champ intrinsèque sera important et modifiera, localement, les fréquences de Larmor entrainant une diminution plus importante du T2* (fig 6 et 7).
Fig 5. Artefact susceptibilité magnétique / accélération de la relaxation transversale en T2* – (a) relaxation transversale en T2* due aux interactions des noyaux d’hydrogène entre eux (vrai T2) plus les déphasages dus aux hétérogénéités de champ propre à B0. (b) Au niveau d’une interface os/tissu, par exemple, la présence d’un gradient de champ magnétique intrinsèque perturbera la fréquence de résonance fortement à l’intérieur du voxel ce qui entrainera un déphasage plus rapide d’où une diminution du T2* responsable d’une décroissance du signal plus rapide d’où un signal hypo intense sur l’image.
Le déphasage des spins des noyaux d’hydrogène est lié à leur rapport gyromagnétique (γ), au gradient de champ intrinsèque (Gi) à l’interface de deux structures de susceptibilité magnétique très différentes, à la taille du voxel (dvx) et au TE par la relation :
Avec :
- ΔΦ = déphasage des noyaux d’hydrogène
- γ = rapport gyromagnétique nucléaire qui ne dépend que du noyau atomique considéré
- Gi = gradient intrinsèque à l’interface de deux tissus de susceptibilité magnétique très différente
- dvx = taille du voxel
- TE = temps d’écho
Fig 6. Corrélation entre l’augmentation des différences de susceptibilité magnétique de deux tissus juxtaposés et la pente du gradient de champ intrinsèque. (a) absence de gradient de champ magnétique intrinsèque dû au fait des valeurs de susceptibilité magnétique très proche entre les tissus A et B. (b) et (c) – Plus les différences de susceptibilité sont grandes et plus élevée sera la valeur du gradient de champ magnétique intrinsèque.
Fig 7. Artefact de susceptibilité magnétique et type de séquence utilisée. (a) La diminution du T2* intra-voxel est responsable d’un signal hypo intense (pointe de flèche au niveau des CAI ou des lobes temporaux) ou de l’ethmoïde où il y a un élargissement de cette zone en écho de gradient car plus sensible à cet artefact du fait de la lecture du signal en T2* (cercle) et non en T2 comme en écho de spin. (b) la coupe réalisée en écho de spin est moins sensible à ce type d’artefact (cercle + pointe de flèche).
Artefact de susceptibilité magnétique : les solutions
- Diminuer la taille du voxel (épaisseur de coupe x taille du pixel) permettra de limiter l’influence des variations de champ magnétique dues au gradient intrinsèque à l’interface de deux structures de susceptibilité magnétique très différentes. Cela entrainera une diminution de la relaxation transversale et donc de la perte du signal = voir article « artefact métallique en IRM »
- Diminuer le TE. Le TE correspond au temps de la relaxation transversale responsable des déphasages des noyaux d’hydrogène. Cette relaxation est responsable de la décroissance du signal. Cette décroissance étant accélérée par la perturbation du champ due à la présence d’un gradient de champ magnétique intrinsèque, la réduction du TE permettra de limiter ce phénomène = voir article « artefact métallique en IRM »
- Privilégier les techniques de saturation de graisse peu sensibles aux hétérogénéités de champ, provoquées par le gradient de champ magnétique intrinsèque au niveau des interfaces tissulaires, type STIR, DIXON, aux techniques de saturation spectrale (exemple : SPIR, SPAIR…) qui elles sont très sensibles à ces inhomogénéités. = voir article « artefact métallique en IRM »
- Privilégier les séquences en écho de spin aux séquences en écho de gradient. La présence des impulsions de rephasage à 180° permet de s’affranchir des déphasages dus aux hétérogénéités du champ principal B0 (*) et donc de limiter la perte de signal aux interfaces de deux tissus de susceptibilité magnétique très différente due à la présence d’un gradient de champ magnétique intrinsèque = voir article « artefact métallique en IRM »
L’artefact de susceptibilité magnétique : un intérêt ?
Cet artefact, bien que généralement gênant en écho de gradient en raison de la grande sensibilité aux hétérogénéités de champ magnétique B0 de ce type de séquence, peut permettre d’affiner le diagnostic de certaines pathologies comme les foyers hémorragiques anciens contenant beaucoup d’hémosidérine ou des lésions calcifiées par exemple en raison des valeurs de susceptibilité magnétiques de ces matériaux. En effet ce type de lésions à forte susceptibilité magnétique engendre à leur interface un gradient de champ magnétique intrinsèque intense accélérant la relaxation spin-spin d’où la majoration de l’artefact de susceptibilité magnétique. Les séquences en écho de gradient T2* sont donc utilisées, par exemple, pour la recherche de malformations artério-veineuses, de cavernomes, de foyers hémorragiques punctiformes, des calcifications (Fig 8).
(Fig 8). (a) calcification de la faux du cerveau parfaitement visible sur la séquence d’écho de gradient T2* du fait de la grande sensibilité de ce type de séquence à l’artefact de susceptibilité magnétique (pointe de flèche). (b) La calcification est difficilement identifiable en séquence écho de spinT2
Conclusion
Si cet artefact est le plus souvent gênant sur les séquences en écho de gradient, en raison de leur plus grande sensibilité aux hétérogénéités de champ que celles en écho de spin, il peut pourtant s’avérer utile dans certaines pathologies pour affiner le diagnostic (mise en évidence de micro saignements cérébraux par exemple…)
Bibliographie
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- Comprendre l’IRM manuel d’auto apprentissage B.Kastler, D.Vetter, Z.Patay, P.Germain.
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